On n’avait pas imaginé que le campus de Saclay (Essonne) pourrait un jour être source d’émotion. C’est pourtant bien une forme de ravissement qui nous a saisis en entrant dans la grande cour de l’Institut Mines-Télécom, imposant pavé de 45 000 m2 fraîchement livré par les Irlandaises Yvonne Farrell et Shelley McNamara, fondatrices de l’agence Grafton Architects et lauréates du prix Pritzker 2020.
Un état de grâce comme l’architecture peut en provoquer quand elle est grande et inspirée. Quand elle sculpte dans la lumière comme le faisaient les cathédrales, formant des raies, des triangles, des quadrilatères qui se projettent sur les éléments de structure pour fabriquer de fascinantes géométries. Quand la matérialité brute, sensuelle, fait vibrer sa présence, suscitant chez ceux qui s’y promènent un bien-être teinté d’émerveillement…
Explorer cet édifice, c’est arpenter une volumétrie évolutive et ludique, où le dehors et le dedans s’imbriquent de mille manières grâce à toute une palette de percées dans la matière. A commencer par ce jardin qui ouvre directement sur la première cour, vaste étendue d’herbe plantée d’arbres, bordée de bâtiments qui rassemblent salles de classe et bureaux d’administration et forment, au niveau du sol, une longue galerie protégée des intempéries.
Géométrie expressionniste
Le vaisseau amiral s’affirme quant à lui autour d’un vide magistral inondé de lumière où se croisent deux axes en béton monumentaux. De ces éléments de structure, les architectes ont fait de grands escaliers ouvrant sur tout un réseau de circulations, multipliant à l’intérieur les vues sur cette géométrie expressionniste et, à l’extérieur, les perspectives sur la vaste plaine où se construit jour après jour ce pôle de l’excellence scientifique à la française qu’est le campus de Saclay.
Quel que soit l’endroit où l’on se trouve, une sensation de grandeur vertigineuse coexiste avec celle d’être à l’abri, protégé par un cocon chaleureux. C’est particulièrement sensible dans la bibliothèque, espace à la fois modeste et protéiforme qui fait la jonction entre les deux parties du bâtiment et offre sur chacune, à travers ses grandes baies vitrées, des vues formidablement cadrées.
Situé dans la partie du campus surnommé le quartier Polytechnique, le bâtiment des Grafton, comme on appelle souvent Shelley McNamara et Yvonne Farrell, dialogue avec les mastodontes récemment sortis de terre dans le quartier de Moulon que sont CentraleSupélec (OMA, l’agence de Rem Koolhaas, en 2017) et l’ENS Paris-Saclay (RPBW, l’agence de Renzo Piano, en 2020). Eux aussi enferment de beaux espaces – le premier a des allures de plate-forme spatiale pop, l’autre se distingue par la présence, en son cœur, d’un formidable jardin paysager. Mais leur rapport au monde est très différent.
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