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L’intelligence artificielle au service de la mammographie 3D

L’intelligence artificielle au service de la mammographie 3D

Vers une imagerie plus fiable et plus sûre

Arnaud Quillent, docteur de Télécom Paris en intelligence artificielle pour l’imagerie médicale, sept. 2025

Arnaud Quillent (source LinkedIn)

L’intelligence artificielle ne se contente plus de proposer des diagnostics ou des interprétations : elle devient un outil d’aide à la décision, capable de s’auto-évaluer et de signaler ses propres limites.

Les travaux d’Arnaud Quillent illustrent comment l’IA peut non seulement améliorer la qualité des images médicales, mais aussi renforcer la confiance des cliniciens en ces nouvelles technologies. À l’heure où l’utilisation de l’IA est en plein essor, celle-ci est assurément un atout dans la lutte contre le cancer du sein.

  • La mammographie 3D, ou tomosynthèse du sein, représente une avancée majeure dans le dépistage du cancer du sein.
  • Cette technologie souffre de limitations techniques qui peuvent altérer la qualité des images.
  • Il est possible d’améliorer ces images grâce à l’apprentissage profond.
  • Des « cartes de confiance » générées à partir des résultats obtenus permettent d’estimer les erreurs commises par l’IA.

Propos recueillis par Isabelle Mauriac

Podcast

Retrouvez cette interview en format audio dans le cadre des podcasts Télécom Paris Ideas :

Podcast enregistré le 22 mai 2025 par Michel Desnoues, Télécom Paris

 

La mammographie 3D, ou tomosynthèse du sein, représente une avancée majeure dans le dépistage du cancer du sein. Pourtant cette technologie, bien que prometteuse, souffre de limitations techniques qui peuvent altérer la qualité des images et compliquer le diagnostic. Arnaud Quillent, docteur en intelligence artificielle pour l’imagerie médicale, a consacré sa thèse à Télécom Paris à l’amélioration de ces images grâce à l’apprentissage profond, tout en explorant la notion de « carte de confiance », un outil permettant d’estimer l’incertitude des reconstructions réalisées par l’IA. Cette approche pourrait à terme permettre aux radiologues d’évaluer la fiabilité des prédictions données par l’IA et les aider dans leur diagnostic du cancer du sein.

L’apprentissage profond pour la tomosynthèse

Face à ce défi, Arnaud a choisi d’exploiter les capacités de l’apprentissage profond, une branche de l’intelligence artificielle particulièrement adaptée à la manipulation d’images complexes. L’idée principale de sa thèse était d’entraîner un réseau de neurones à reconnaître et à corriger les dégradations présentes dans les volumes 3D reconstruits, en les comparant à des images de référence sans artefacts.

Mais un obstacle majeur se dressait : l’absence de données de référence parfaites.

En effet, il n’existe pas encore de mammographe capable de réaliser une rotation complète autour du sein, et qui permettrait donc d’obtenir des images 3D sans artefact. Pour contourner ce problème, le chercheur a eu recours à des « fantômes » : des modèles numériques de seins, créés à partir d’images issues d’autres modalités d’imagerie médicale, comme le scanner. Ces modèles virtuels permettent de simuler des acquisitions de mammographie 3D sur ordinateur, et ainsi de générer des images « artefactées » et leurs équivalents sans artefact, indispensables pour entraîner le réseau de neurones.

La tomosynthèse du sein : reconstruction de volumes 3D et artefacts

En France, le dépistage du cancer du sein repose encore majoritairement sur la mammographie 2D, une technique consistant à réaliser une radiographie du sein compressé. Cependant, depuis quelques années, la mammographie 3D, ou tomosynthèse, gagne du terrain, notamment aux États-Unis. Contrairement à la 2D, cette méthode consiste à acquérir plusieurs images sous différents angles, puis à reconstruire un volume 3D du sein à l’aide d’algorithmes. Ceci permet d’obtenir une meilleure délimitation des structures anatomiques présentes dans le sein.

Pourtant, cette reconstruction n’est pas parfaite. « La source de rayons X ne peut pas effectuer une rotation complète autour de la patiente, car celle-ci est debout et son sein est compressé », explique Arnaud, qui a mené sa thèse en collaboration avec Télécom Paris et GE HealthCare, une entreprise spécialisée dans les appareils médicaux. Cette limitation géométrique entraîne des « artefacts » dans les volumes 3D reconstruits, c’est-à-dire des dégradations qui peuvent rendre certains objets d’intérêt moins visibles, comme les tumeurs par exemple.

Améliorer la qualité des volumes de tomosynthèse est donc un point crucial pour aider les radiologues dans leur diagnostic.

La carte de confiance : évaluer la fiabilité de l’IA

L’un des apports les plus originaux de sa thèse réside dans le développement d’une « carte de confiance ». Il s’agit d’une image complémentaire, générée en parallèle de la reconstruction 3D, où chaque pixel est associé à une valeur d’incertitude. « Une faible valeur indique que le réseau est sûr de sa reconstruction, tandis qu’une valeur élevée signale un doute sur la qualité de l’image à cet endroit », explique le chercheur.

Cette carte permettrait aux radiologues de visualiser non seulement l’image reconstruite par l’IA, mais également d’évaluer la cohérence de ce résultat et ainsi d’éviter de se fier aveuglément à l’algorithme. Cette approche, encore expérimentale, ouvre la voie à une utilisation plus transparente et plus sûre de l’intelligence artificielle en imagerie médicale.

 

Vers une application clinique et des perspectives plus larges

Les travaux d’Arnaud restent actuellement au stade de la recherche.

Il faut encore améliorer la robustesse de l’algorithme, la qualité des fantômes et surtout valider cliniquement l’apport de cette méthode avec des radiologues
précise-t-il.

 

Cependant, les perspectives sont vastes : la notion de carte de confiance que le chercheur applique à la mammographie s’étend également à d’autres domaines utilisant l’intelligence artificielle, dont la fiabilité pourrait ainsi être évaluée plus aisément.

D’après les publications disponibles, peu de travaux se sont intéressés à la reconstruction 3D de la mammographie par IA, et aucun n’a encore intégré la notion d’incertitude de manière aussi systématique.

La thèse d’Arnaud Quillent, réalisée au laboratoire LTCI de Télécom Paris, marque donc une étape importante dans l’utilisation de l’IA pour l’imagerie médicale, en associant l’amélioration de la qualité d’image et la transparence des résultats.

Synthèse réalisée avec l’aide de Mistral AI

 

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