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Séminaire ICE : « L’IA a-t-elle incubé en France à travers la cybernétique ? »

Sept. 5th 2023, 2 pm, Lecture hall 6 and online
Abstract
J’aborderai les origines de l’IA en mettant en lumière la relation Contrôle/Cybernétique et plus généralement le lien avec les technologies de l’information. Ces dernières trouvent leurs racines dans les contributions de N. Wiener « Extrapolation, Interpolation and Smoothing of  Stationnary Times Series »,1942. Classé secret défense ne fut publié qu’en 1948.  Entretemps après l’explosion de la bombe A à Hiroshima Wiener devient antimilitariste et imagine dans Cybernetics, publié en 1948, un monde piloté par les machines qui ne peuvent selon lui conduire à la guerre. Cybernetics a incubé en 1947 en France, fruit de l’interaction de Wiener avec l’école Bourbakiste. Ultérieurement Isaac Asimov, l’écrivain de science-fiction, de formation scientifique familier du travail de Wiener, a prédit ce que réalise l’IA aujourd’hui !
En 1954, Qian Xuesen, publie aux US une approche plus technique pour la mise en oeuvre de la Cybernetique: « Engineering Cybernetics » où il met à profit le concept de « feedback », introduit dans Cybernetics pour asseoir les bases de la théorie du  Contrôle.  Fondateur du Jet Propulsion Lab, il est considéré comme le père de la Nasa.
Sur un plan plus technique je montrerai que l’outil tel que « l’apprentissage par reinforcement » largement utilisé dans l’IA est issu de travaux des années 70 sur le contrôle optimal, adaptatif et le traitement adaptatif du signal.
Mais la géopolitique a parfois des effets inattendus ! ainsi Quian Xuesen se retrouva dès 1956 en Chine conseiller du Président Mao et crée une « école chinoise » de la Cybernétique.
Je rendrai compte de l’influence de ces disciplines dans l’un des plus grands événements du monde, qui a eu lieu en 1978 : la politique de l’enfant unique en Chine fondée sur un modèle mathématique (EDP), proposé par le cybernéticien Song Jian que l’anthropologue Susan Greenhaalg de Harvard qualifié d’avoir « sinisé la cybernétique ». L’élaboration de ce modèle a été influencée par le rapport du Club de Rome « Les limites de la croissance ». Pour conclure je m’interroge à travers la question provocatrice : « Si le modèle mathématique qui a permis de prendre la décision de l’enfant unique en Chine avait été proposé aujourd’hui, il aurait été peut-être été attribué à l’IA vu le rôle qu’elle joue dans la vie quotidienne en Chine. J’ai eu la chance d’être un des rares témoins de cette genèse : j’ai connu le Dr Song Jian en 1978 avant le développement de son modèle et j’ai organisé, à sa demande, en 1985 la première conférence organisée en Chine, sponsorisée par la société savante IFAC, International Federation of Automatic Control après la révolution culturelle.
Bio
Mohamed Najim, ingénieur (ENSEIRB-Mathmeca, Bordeaux 1967), Docteur d’Etat ès Sciences (Toulouse,1972) a exercé à Toulouse, Rabat et Berkeley.  Fellow IEEE(1987). En 1988 il occupe la première chaire créée à Bordeaux en Traitement du Signal. Il a travaillé dans le domaine des microondes, du Contrôle et du Traitement du Signal et des Images. Il a levé plusieurs verrous dans la modélisation et la stabilité des systèmes multidimensionnels et a publié une douzaine d’ouvrages et donné des séminaires dans tous les continents. Ses doctorants exercent dans plus de 10 pays. Il a porté des projets européens et des partenariats avec Texas Instruments, Digital Equipment, Total, Safran, EDF, CEA, SAGEM, Thomson CSF, Thales, CNET. Il est actuellement professeur Emérite à l’INP de Bordeaux.